Le Vilain Petit Canard
Gloán de la famille des Mains de Pierre, fille de Holmin, naquit le second jour du Naïfsance de l'an 3547 AP GS, disant d'elle qu'elle serait ambitieuse, patiente et grourmande. Dès sa venue au monde, tout le monde compris bien vite que sa vie chez les nains allait loin d'être de tout repos. Déjà tout petite, le contact direct entre sa peau et n'importe quelle forme de métal déclenchait des crises de rire assez prenantes, bruyantes -on ne précisera pas quel rire pour le moins... original elle a-, et l'empêchant de faire toute autre activité jusqu'à ce se calme, ce qui pouvait s'avérer très long.
Ses parents essayèrent de cacher ce petit problème le plus longtemps qu'ils le purent en la couvrant de tissu plus que nécessaire et en la laissant peu sortir. Malheureusement son frère ainé, en bon grand frère encore très jeune qu'il était, ne comprenait pas tout et lui offrit un jouet en bois une fois qu'ils traversaient des échoppes. Mais certaines parties du jouet, comme les yeux, étaient en métal et Gloán les toucha au beau milieu du monde.
Dès lors, ses rapports avec les nains devinrent compliqués et le restèrent pendant bien longtemps. Les autres jeunes se moquaient d'elle, les adultes la méprisaient et les plus anciens n'avaient aucune considération pour cette naine incapable de toucher, manipuler, forger, utiliser du métal alors que c'était là leur plus grand trésor, leur richesse, leur fierté. Plus ca allait, plus elle se renfermait sur elle même, répugnant même à la vue du métal.
Elle elle en voulait terriblement aux nains. A cette nation qui la prenait pour la bête noire qu'on cache de honte. Elle en voulait à son frère d'avoir causé cela, même s'il n'était responsable en rien, elle se montrait exécrable avec lui. Ses parents défendaient le frère et la petite enfant comprenait cela comme si ses parents aussi avaient honte et la détestait de faire ternir l'honneur de la famille. Elle s'enfermait pendant des heures pour lire, parce que les livres étaient une des rares choses qui ne contenait jamais de métal.
A sa centième année, pleine de rancœur, elle finit par s'enfuir. Quitter Amyrtas. Elle voulait abandonner tout ce qui la rejetait, et elle avait assez lu pour savoir où elle voulait aller, persuadée qu'on l'accueillerait mieux : chez les humains.

Yrine la serveuse
Elle se faisait appeler Yrine Vertlac. Elle s'est avait volé des chaussures aux semelles épaissit dans une boutique de son pays, s'était cousu une longue robe et se tenait le plus droit et le plus fièrement possible. Ca n'a pas fonctionné de suite, beaucoup l'on renvoyé quand elle disait être une humaine de petite taille. Sauf dans une taverne certaine taverne aux abords de la capitale. Les gérants étaient bourrus, brute de pomme et taciturne, mais ils menaient leur affaire d'une main experte. En réalité, ils se fichaient bien de savoir si elle était humaine ou nous, ils avaient besoin d'aide et elle ne demandait pas d'argent, seulement le gite et le couvert. En réalité, elle ne voulait pas d'argent parce qu'elle ne pouvait toucher les pièces, mais elle s'est bien gardé de leur dire. Ils l'ont embauché sur le champ. Elle devint serveuse.
Le problème étant que les gamelles étaient toutes en métal quelconque. Elle y remédia bien vite en retirant une des épaisseurs de sa robe, celle a l'extérieur qui faisait trop noble, trop précieuse, pour travailler dans une auberge et en cousant des gants. C'est de cette partie de sa vie qu'elle tira le nom qu'elle choisit plus tard : la robe était en soie.
Elle avait beau être petite, elle avait l'habileté et le caractère des nains, plus d'une fois elle botta les fesses d'un ivrogne aux mains baladeuses, tellement qu'elle finit par être connue pour cela.

La bibliothèque
Un soir, un homme arriva tôt à l'auberge et resta longtemps en ne commandant que des pommes. Il ne demanda pas de chambre pour la nuit, mais restait assis à sa table sans avoir l'air de vouloir en partir. La pluie avait même commencé à tomber, il ne semblait pas s'en soucier. Il avait une pile d'une demi-douzaine de livres à côté de lui, et semblait absorbé par la lecture de l'un d'entre eux. Yrine finit par s'approcher. En réalité, même si la lecture avait été sa compagne silencieuse pendant des années de souffrance, c'était une loisir qui lui manquait. Elle questionna l'air de rien le mystérieux lecteur qui n'était pas très loquace. Au bout de la quatrième question, il se leva, salua Yrine d'un hochement sec de la tête, et parti.
Il avait laissé un de ses ouvrages sur la table. La fausse humaine voulu lui courir après pour le lui rendre, mais l'aubergiste -ou plutot, le fils gras et stupide des anciens aubergistes qui n'avait ni bon sens ni sens des affaires et qui avait hérité après la mort de son père- aboya après la jeune naine -qui n'avait pas l'air d'avoir vieilli malgré les ans passés ici de part sa longévité naine. Les hommes qui prenaient de l'âge en grisonnant faisaient parfois la réflexion, elle se contentait de les gronder.
Elle récupéra le livre, le cacha dans sa chambre et passa la nuit à le lire dès que son service fut terminé.
Le lendemain soir, l'homme était de retour. Elle voulu le lui rendre mais il fit la sourde oreille, prétendant qu'elle ne voyait pas de quel livre elle parlait et, quand elle le lui apporta, affirma fort et clair qu'il ne l'avait jamais vu de sa vie.
Le manège continua pendant une semaine entière, tous les soirs il laissait un nouveau livre, et toute les nuits elle en lisant le plus possible. Ils parlaient de l'histoire, des mythes, des races, de la faune ou de la flore. Certains parlaient de choses abstraites. Mais les passages qui passionnaient le plus Yrine étaient ceux qui parlaient des relations entre les nations, comment les choses avaient évolué, pourquoi ceci fonctionnait de telle manière, quels traités avaient existé etc.
Le septième jour, l'homme daigna à lui donner son nom. Et à ce moment précis, le nouveau gérant les interrompu en criant sur Yrine comme sur un animal.
Plus tard, quand elle repassa pour saluer l'homme aux livres qui se levaient comme pour partir, elle eu la surprise de s'entendre demander si elle voulait le suivre dans les beaux quartiers de la ville.
Elle n'hésita pas plus d'une minute entre l'homme instruit et le fils cruel. Elle avait été heureuse dans cette auberge, mais depuis la mort du père et la maladie de la mère, ce n'était plus pareil. Elle récupéra tous les livres et parti dans la nuit, sans un mot de plus.

Leorin -puisque c'était son nom- s'avérait être un noble qui préférait les livres et la prière aux habitudes mondaines de la cour. Yrine insista pendant de longues heures, de longues années pour savoir pourquoi il était venu vers elle. Pourquoi il lui avait offert l'accès aux puissants dans un royaume humain qui tentait de se reconstruire. Pourquoi il l'avait choisi pour répertorier des ouvrages volumineux en échange de rencontres avec bon nombre de personnes dont certains -elle était certaine- n'étaient pas des plus recommandables ou des plus loyaux à la couronne.

La Conseillère
La réponse lui vint un jour, pourtant. Leorin vint la voir alors qu'elle se promenait autour de la demeure. Il avait des nouvelles avec lui. La mère de Gloán était touchée par l'étrange épidémie qui ravageait le pays depuis longtemps.
Il fut obligé de tout lui dire : il était un ami de longue date du père de Gloán et avait été chargé de la retrouver et de veiller sur elle, il devait cela à son père suite à de nombreuses péripéties qu'ils avaient vécu ensemble.
Yrine, ou Gloán, se résigna à retourner à Amyrtas pour la première fois depuis bien longtemps avec un noeud à l'estomac. Elle s'était sentie humaine et avait peur de ne plus pouvoir être naine, d'être à nouveau rejetée et de devoir être ballotée encore entre les deux mondes.

Ce fut tout le contraire. Elle y retrouva la camaraderie franche, les fêtes et le côté bourru des nains qu'elle avait tant aimé chez ses aubergistes. Elle y retrouva des valeurs de loyauté qui s'étaient perdus chez ceux qu'on lui avait fait rencontrer. Elle y retrouva sa famille et réalisa que sa colère s'était en allé. Elle réalisa qu'elle savait où était son camp, malgré son affection profonde pour les humains.
Sa mère ne résista pas bien longtemps et Gloán ne put se consoler qu'en se disant qu'elle se rachèterait auprès des nains par la suite.
Survint alors son ascension. Ses connaissances des personnes et des écrits, la protection qu'elle s'était forgée et la force qu'elle mettait à prouver à tous qu'elle était une naine, et qu'elle valait tous les autres, hommes y compris, finit par lui ouvrir la porte d'un siège prisé qu'elle voulait à tout prix ; conseillère. Et elle comptait bien gérer cela comme elle l'entendait.

On la critique encore sur son manque d’expérience, sur son sexe, sur son passé. Mais plus personne n'ose lui dire qu'elle n'est pas naine, plus personne ne ri en la voyant ou ne détourne les yeux, à croire qu'ils ont oublié qu'elle fait tout pour ne pas toucher le métal.

LE CIMETIÈRE DE MÉTAL
Cet endroit n'était désormais plus que poussière et gravats, offrant un spectacle déchirant là où quelques heures plus tôt on pouvait encore admirer des murs taillés dans la roche pour abriter un des plus anciens postes de gardes des montagnes, un espace certes petit mais qui avait vu défiler de nombreux soldats qui connaissaient ces profondes galeries comme leurs poches, là où seuls les combattants et membres importants de la hiérarchie naine s'aventuraient, éloigné de tout. Un éboulement avait réduit ces siècles de souvenirs à néant, emportant au passage cinq Nains qui reposaient désormais dans ce lieu peu rassurant mais qui avait toujours inspiré le respect.

Branhur, fils de Braín, s'agitait désormais sur les marches de l'escalier, devenant impatient et se demandant ce que pouvait bien fabriquer les secours qu'il avait contacté deux heures plus tôt. Il était venu accompagner la Conseillère de stratégie et le maître architecte pour l'élaboration d'un nouveau poste de garde pour assurer davantage de sécurité à ce lieu qui était mystérieux de par son statut de point connu le plus éloigné dans les montagnes naines. Le groupe était arrivé quelques minutes avant le drame et était sain et sauf, les vêtements déchirés et les visages couverts de poussière, mais en vie par un miracle qu'ils attribuaient à Avisos. D'un air las, Branhur annonça qu'ils allaient devoir passer par le Cimetière de Métal pour avoir une chance de retomber sur le chemin de la Morne qui les ramènerait vers des galeries sécurisées et peuplées.
Le Cimetière de Métal qui était trois longs tunnels d'escaliers et de morceaux métalliques en tout genre, vestiges d'un vieil accident. Les rails se mélangeaient aux boucliers, poutres et coffres métalliques qui étaient enchevêtrés les uns sur les autres pour laisser un fin passage qui ferait pâlir les meilleurs spéléologues. Et Gloán allait devoir passer par là, seul chemin disponible, seule route qui traversait cette zone où le calme était requis pour ne pas réveiller les quelques mauvaises créatures qui dormaient dans ces rochers...
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